J'ai eu une longue période où je disais à qui voulait l'entendre que je n'aurais jamais d'enfants. Avec du recul, j'étais surtout dans une espèce de posture à la con. Je ne voulais pas d'enfants pour me démarquer de mes autres potes qui, à peine au collège, s'imaginaient déjà mère. Je ne pouvais pas. Les écouter, ça m'étouffait. Je n'y voyais que la mort et l'enfermement. Une contrainte qui n'allait rien m'apprendre, si ce n'est les pires choses que j'avais en moi. Je peignais ça de la pire manière qui soit. Je dégueulais sur cette pensée. Sur ce destin autoproclamé.
Et puis un jour, insidieusement. Ça a pris des airs de berceuse qui se trament à travers les fibres de mon être. Ma cervelle venait de me la faire à l'envers, sans que je pige ce qui se joue. Un désir qui s'éveille, un désir qui prend racine dans les profondeurs de mon ventre et s'étend comme une ivresse dans mes veines. M'abrutissant d'envies toutes aussi connes les autres. Devenir mère. C'était trop tard. Le destin autoproclamé s'était déjà infiltré lentement dans les interstices de mon crâne foutraque. Pulsion sourde qui résonne en moi comme un putain d'appel primal.
À cet instant, je me fascine autant que je me dégoûte. Je me surprends à regarder des fringues de mômes, à gâter neveux et nièces. Leurs rires cristallins emplissant un espace que je refusais depuis tant d'années à partager. En marge de leur monde insouciant, j'avance, fébrile. Je me mets à passer en revue tout ce qu'il y a de pire et de bon en moi. Je scrute mes moindres travers, mes problèmes à la con avec ma propre mère. Je réalise que je veux bien être tout, sauf ma mère.
C'est qu'il y a cette peur, qui rôde, lancinante. La responsabilité, immense, le fardeau, que l'on porte à jamais sur ses épaules. Et si je n'étais pas à la hauteur? Le doute persiste. Je me surprends à rêver de ce petit être qui porterait en lui les traces de mon sang, de mes os, et de mon amour infernal pour Taylor Swift et le punk.
Je sais que je serais une mauvaise mère. Permissive, stupide, fénéante. Un modèle? Certainement pas. Je sais d'avance que je raterais. On rate toujours, quand on est parent, non? Je suis sûre que non, mais d'expérience, je n'ai que ça à refourguer. Un manque de sérieux palpable et beaucoup trop de disques de Minor Threat.
Une histoire de fascination pour le processus même de la maternité, tout en prenant en considération la réalité crue et implacable. Devenir mère, ça reste pour moi une entreprise complexe et exigeante, et je n'ai à offrir que le chaos, l'égoïsme et l'immaturité. Pourquoi vouloir d'un gosse dans ce cas de figure? Quoi lui transmettre? Quoi lui enseigner? Sa première cuite? Sa première rave? Manger avec les doigts? Rire gras devant un épisode de South Park? Regardez, il n'existe pas qu'il peut déjà s'inscrire en cure de désintox et à France Travail.
Non, il y a des choses qui valent mieux rester à l'état de rêve.
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