the day I stopped being nice (and maybe became a bitch)


Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de sortir chercher du pain. Jogging flou, t-shirt des Musclés, cheveux en freestyle post-apocalyptique (je crois qu’un nid de perdrix s’est formé pendant la nuit, ou peut-être pendant ma trentaine, je sais plus trop). Je hausse les épaules. C’est tout ce que j’ai à offrir au monde ce matin, et franchement, ça devrait suffire.

Avant, j’aurais changé. J’aurais tenté effort, mis du mascara, ou au moins passé un doigt dans mes mèches. J’aurais pensé à ce que diraient les gens. Maintenant? Rien à foutre. J’ai arrêté de vouloir plaire. Et parfois, ça me fait flipper. Parce que dans ce grand désenvoûtement, je me demande : est-ce qu’on devient chiante quand on cesse de séduire? Est-ce qu’on devient invisible? Ou est-ce qu’on devient simplement libre?

Je crois qu’il y a eu une lassitude douce, presque imperceptible, comme un bouton qu’on éteint sans s’en rendre compte. Je ne me suis pas réveillée un matin en me proclamant "anti-plaisante". C’est arrivé à force. À force de sourires forcés, de jambes croisées, de réponses mignonnes et d’accords polis. À force de rendre service quand j’avais envie de dormir. À force d’être “cool”, même quand j’étais en feu à l’intérieur.

Un jour, j’ai simplement arrêté. J’ai laissé les silences durer, j’ai dit “non” plus vite, j’ai porté des vêtements moches mais réconfortants, et je me suis surprise à ne plus chercher de validation dans les yeux des autres.

Ça soulage. Un peu. Mais pas complètement.

C’est subtil. Personne ne vous dit en face: “Tu es devenue chiante.” Mais les interactions deviennent un peu plus froides. On vous parle un peu moins fort, on vous oublie dans la boucle, on vous trouve “moins fun”, “moins solaire”, “moins tout”.

Parce que ne plus plaire, c’est retirer la jolie vitrine. C’est dire “voilà l’arrière-boutique, c’est bordélique et j’ai pas prévu de ranger.”

Et tout à coup, vous voyez qui venait vraiment pour vous, et qui venait pour le packaging. Spoiler: ça fait un tri violent.

Mais dans cette disparition partielle, il y a une forme d’apparition. Une version plus dense de soi-même, un peu cabossée mais plus droite dans ses godasses. On gagne du temps, surtout. Moins de déguisements, moins de palabres. On gagne en honnêteté aussi, dans nos relations, dans notre langage, dans notre regard sur les autres.

On dit ce qu’on pense sans faire des petits nœuds avec nos phrases pour que ça passe mieux. On s’habille pour soi, on mange ce qu’on veut, on sort sans s’excuser d’exister. Et parfois, on se trouve même...cool.

Pas séduisante. Pas charmante. Pas agréable. Juste cool. Pour soi.

Peut-être qu’aux yeux du monde, quand une femme cesse d’adoucir sa voix, de faire des efforts, de caresser dans le sens du poil, elle devient “chiante”. Peut-être qu’il y a un prix à payer pour sortir du rôle. Mais ce prix-là me semble moins cher que celui de continuer à s’épuiser pour faire plaisir à tout le monde sauf à soi.

Alors oui, je suis peut-être devenue un peu chiante. Mais je suis aussi devenue plus calme, plus lucide, plus solide. Et si ça me rend moins aimable, tant pis. Je m’aime mieux. Surtout dans mon t-shirt des Musclés.

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