reading is a blessing


La maison dans laquelle est un peu ma chapelle sixtine de la littérature. 950 pages griffonnées par Mariam Petrosyan, avec sans véritable envie de publier le machin. Je n’admire même pas l'effort mais l'écriture pour l'écriture. Je me rappelle de cette nana qui me faisait chier par mail, à me demander pourquoi je faisais un blog et pourquoi je rejetais l'ego et qui n'était pas contente parce que je lui répondais pas ce qu'elle voulait entendre et qu'au final je n'étais rien qu'une hypocrite. Bah écoute, si tu passes par-là, va demander à Petrosyan, elle te fera une lettre temps de lecture équivalent à trois mois, ça t'occupera. 

Donc je reprends. La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan. C'est même pas une histoire, en fait. Faut déjà démarrer là. Non, ce livre, c'est un labyrinthe. Un labyrinthe dans les tréfonds de la nature humaine. Une galerie de personnes aussi loupées les unes que les autres, sombres et étranges, à l'image de cette baraque isolée, paumée dans une espèce de temps suspendu.

Je crois que ce qui me plait le plus, c'est avant tout la maison, ce personnage à part entière qui s'étire à l'infini, silencieux. J'aime ces endroits qui semblent avoir leur propre cœur, leur propre conscience et qui abritent des êtres à leur image. Ça me fait penser à House Hill, Bly Manor. Marginal, exclu, portant le poids d'un passé trop lourd à porter. Agissant comme un aimant, la maison chez Petrosyan est devenue au fil du temps un repère pour déglingués. Des gamins qui se sont construits selon leurs codes, ou ceux de la maison, on ne sait pas vraiment, l'un se nourrissant de l'autre. Sphinx, l'Aveugle, Bossu, Noiraud, Chacal, Lord. Sans identité véritable, ils s'organisent en bandes, se bourrent la gueule et fument à s'en cramer les poumons. La maison est leur terrain de jeu. Un terrain miné, entre affrontements et alliances précaires. L'extérieur n'est qu'un vague concept, l'adultat, une disparition. Ils sont seuls face à eux-mêmes et surtout face à leurs propres démons. 

Au final, qui n'a jamais été confronté à ce bordel? La quête de sens qui se pourrie dans l'isolement et la solitude la plus profonde? Le dehors nous rejette alors nous aussi on va le rejeter. J'aime cette posture arrogante, cette fin de non-recevoir. Avant de se prendre le coup fatal dans la tronche. Est-ce qu'on décide vraiment des règles?

Je pense que ce livre me touche pour ça. Pour cette solitude imposée, cette déchirure forcée. La recherche éperdue d'un contact qui ne dit pas son nom dans un monde, quant à lui, de plus en plus épars.

Trouver sa place dans la maison, dans la société. Qui suis-je? Où vais-je? C'est de l'ordre de la rage, dans ce récit. Arracher les masques, quitte à ce qu'il reste un peu de peau collée dans le fond. La nature humaine, dans ce qu'il y a de plus bancal, de plus dégueulasse. Cette éternelle oscillation entre le bien et le mal. Mais il n'y a pas de bon camp, car c'est en nous, dans le crâne, dans la cage thoracique, dans les tripes. Et dans les murs qui nous entourent. Surtout dans les murs qui nous entourent. Notre salut tout autant que notre prison mentale. Aucune rationalité, aucune logique. La maison n'est qu'une carte sans véritable marquage. Pas d'exit, que des impasses. Les pièces changent au fur et à mesure qu'on y avance, prenant un malin plaisir à nous foutre des stops quand on se croit sortir du lot. 

J'aime cette métaphore filée, que rien n'est véritablement tangible. Ni notre être, ni notre esprit. Qu'au final, on est surtout le produit de circonstances aussi hasardeuses que merdiques. Qu'on ne maitrise rien, et qu'on peut donner autant le change qu'on veut, les réponses à nos questions nous fileront toujours entre les doigts.

Ce sont ces livres-là, pour moi, qui méritent d'être écrits, et pourquoi pas d'être lus, si on se sent de le faire. Je comprends pourquoi Petrosyan quelque part, ne voulait pas l'exposer à d'autres yeux. Il faut être prêt à recevoir ce texte. Il faut être prêt à l'ingurgiter, le digérer, mais sans jamais le recracher. Il doit s'imprimer, et pour ça, il faut s'en sentir capable. Braver ceux qui nous laissent sur le bord de route, broyant nos certitudes pour mieux nous bousculer. Mais surtout, braver nos gueules. Je sais que je ne sais rien, en somme. 

L'acceptation, la maturité. La violence, la résignation. Accueillir le chaos comme une vieille amie.

Et se laisser avaler, sourire au coin des lèvres
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