you look poor



J'ai froid. Je crois que j'ai la crève. Je déteste ce temps, je le prends mal. On sait pas comment s'habiller le matin parce que ça gèle, et puis d'un coup on crève de chaud l'après-midi, résultat on est emmerdé avec nos loques en trop sous le bras. C'est comme ces dix mecs qui se partagent 90% des richesses tandis qu'on a le choix entre quinze marques de beurre. Vraiment, cette époque n'a strictement aucun sens. Je parlais avec Louise et toujours la même rengaine: c'est à quelle heure la révolution? Ecoute ma jolie, va t'acheter une phryge, c'est ce qui se rapproche le plus d'un soulèvement en ce moment. J'aime bien Louise, on se voit une fois tous les six ans et après silence radio. C'est notre mode de fonctionnement. Elle me raconte ses voyages en sourdine, les cons qu'elle a baisé, que je ressemble apparemment de plus en plus à Anna Delvey, comment elle a échangé cette magnifique veste Chanel à une vieille SDF de San Francisco qui voulait récupérer la brosse à chiottes qu'elle venait de voler dans un magasin, et moi, je suis contente. Parfois, je me demande si elle n'invente pas tout ça, si en fait, elle ne vit pas depuis des années une existence rangée avec un médecin dans le 16eme sans que personne ne sache. Au final, je m'en fous, elle est mon spectacle et je suis sa foule en délire. Je pense que c'est pour ça que ça fonctionne aussi bien. Rien n'est jamais compliqué. On s'est posé dans un salon de thé près de Saint-Michel, le Tea Caddy, pas loin de la librairie Shakespeare & co. On a décidé d'en faire notre quartier général. La lumière est bien, les décors sont douillets. En espérant que ce soit encore ouvert dans six ans.  

J'en ai profité au retour pour acheter Los Angeles Nostalgie de Ry Cooder, qui me faisait de l'oeil depuis un petit moment. Dans ce recueil, l'auteur nous y raconte les bas fonds de la cité des anges déchus, avec pour bruit de fond jazz et blues d'une époque révolue. Ses personnages, des anonymes, sont des guitaristes, des arnaqueurs ou des serveurs dans des clubs californiens miteux. C'est le L.A que j'aime, au final, celui des années 40, mêlant art et crime, l'essence même d'une ville éternellement en éclats. Forcément que ça me parlait. Je suis une fille simple. Je récupère peu de bouquins en ce moment, j'essaie de me calmer un peu sur le sujet, d'être plus sélective. Là, je retombais dans une espèce de frénésie adolescente. Je sais pas, je suis dans ma era prendre de la hauteur, prendre du recul. 


Je crois que c'est aussi pour ça que j'ai beaucoup repensé au film Late Night Shopping ces derniers temps. J'attendais le week end pour me poser et le regarder mais je ne l'ai trouvé sur aucune plateforme de streaming. Je me rappelle de l'affiche qui disait "Vous n'avez jamais eu le sentiment que vous n'y arriverez pas?". C'est con, mais ça me parle depuis 2004 (enfin, c'est pas con, c'est plutôt inquiétant, ça fait ving ans) (mais il y a vingt ans, c'était acceptable) (mais comme je suis restée bloquée sur mes quatorze ans) (oui, les excuses) (à l'époque j'avais une super garde-robe, c'est pour ça). Donc je pense que je vais plutôt me rabattre sur le documentaire In Vogue: The 90s, une autre boucle temporelle dans laquelle je suis en roue libre. J'espère qu'on y verra Kate Moss ne rien dire et juste marcher sur le catwalk comme si elle venait négligemment nous démarrer. J'adore son époque silencieuse, les yeux rieurs et sa main sur le sachet de coke. Je devrais écrire un texte sur pourquoi Kate Moss, après mon texte sur pourquoi Sevigny (le numéro est à commander ici, ça sort le 1er octobre, pour celles et ceux du fond). 

En attendant, un gif Kate Moss. Un peu de mignonnerie dans ce monde froid et rempli de beurre.


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