nothing breaks like a heart



Je me demande pourquoi je me suis infligée le documentaire relatant la décision de Lily Phillips à coucher avec cent hommes. Je ne sais pas ce que je comptais y trouver, si j'en attendais quelque chose. La lente agonie d'une jeune femme qui semble avoir fait le choix de se détruire à petit feu, entre une mère vénale accro au matériel et un père fier que ses potes se branlent sur sa propre gosse. Personne d'un tant soi peu censé ne peut considérer cette décision comme rationnel. Mais je crois que l'attitude des hommes face à cet événement est ce qui m'a le plus bousculé. Assumer la baise, les partenaires choisis au gré de l'humeur, ça me parait une évidence. Y avait un titre de Christina Aguilera qui résumait bien la situation. Get mine get yours. Echanges de bons procédés, en somme. Tu peux juste pas t'en sortir en traitant de garage à bite toutes les nanas qui savent ce qu'elles veulent, quand elles le veulent.
Aux dernières nouvelles, le tango, ça se danse à deux.

Mais à cent, bordel, à cent. Il faut que ça passe à quel numéro pour réaliser qu'il s'agit d'un viol organisé? Là, à rouler sur une personne totalement absente, dans le cadre d'un pari qu'elle a elle-même imaginé pour dieu seul sait quelles raisons. A marcher là-dedans, comme un con. "Bah, elle a proposé". Et donc? Ca chiale sur le bodycount mais être centième abruti, ça va, y a rien d'anormal là-dedans, c'est un dimanche tranquille. Le sexe n'est qu'une histoire de performance qui pue autant qu'une chambre remplie de foutre après 24 heures d'un challenge de dégénérés.

Mais au-delà de la colère, il y a le malaise. De ce que ça raconte sur la façon dont on perçoit nos corps. Comment une société peut-elle produire un tel niveau de déconnexion? Les hommes de ce documentaire ne sont pas de vulgaires participants tentés par la salope du coin. Aucun flingue sur la tempe, ni de chatte porté à la langue. Non, ils sont les rouages d'une machine bien huilée, celle qui consomme les femmes sans réfléchir, qui découpe leur identité en morceaux pour n'en garder que ce qui flatte leur ego ou leur pulsion. 

Alors quand ça vient chialer que Lily n'est que l'actrice de son propre chaos. Peut-être qu'en effet, tout ce bordel n'était qu'une tentative pétée de reprendre le contrôle. Un geste de déviance envers un monde qui l'a abandonnée bien avant qu'elle ne le quitte mentalement. Je n'en sais rien. Je suis pas sa psy. Mais il est certain qu'on ne peut pas parler d'une quelconque rébellion féministe. Cette histoire, c'est avant tout une tragédie. La tragédie d'une femme en guerre contre elle-même, avalée par un système qui la réduit à une succession de chiffres. Ce n'est même pas une connerie d'humanité, sans mauvais jeu de mot, qui part en couilles. Non. Ecraser l'envie, le plaisir, pour la douleur, l'humiliation. C'est juste le patriarcat, dans ce qu'il a de plus violent.

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