J’ai mis Man’s Best Friend ce matin et je me suis retrouvée à traîner dans mon appartement, à moitié assise sur le canapé, à moitié couchée, à moitié ailleurs. Le disque glisse comme de l’alcool tiède sur la peau, ça part dans une direction qu'on avait pas vraiment venu venir, comme une fille qui prend la mauvaise rue exprès, juste pour voir ce qui traîne au fond. Rien de girlboss dégoulinant d'empowerment powerpoint. Non, seulement une galerie de paradoxes assumés, une femme qui se noie dans son verre comme dans le regard des hommes, qui ricane de sa propre hypocrisie en même temps qu’elle l’embrasse.
J'ai bien aimé cette vibe pop années 70 sur la fin de soirée. Des villas californiennes remplies de réceptions où tout le monde porte des robes magnifiques avant qu'un drame invisible se produise (un meurtre ou un glaçon dans un verre de vin, on peut s'attendre à tout avec les américains). Un parfum de liberté un peu désuète, qui pue un épisode de Côte Ouest. Cet album aurait pu être écrit par Sue Ellen, ou n'importe quelle blonde à la permanente et au mini bar impeccables.
On ne reviendra pas sur la pochette: Sabrina à quatre pattes, tirée par les cheveux par un mec en costard. Sexisme crasse ou satire bien sentie? Peut-être les deux, peut-être aucun. Après l'écoute de ce disque, je me demande si c'est vraiment là que ça doit se jouer. Parce que Carpenter n’est pas en mode femme fatale qui contrôle tout. C’est une femme qui dit tout haut ce qu’elle se reproche, et qui en fait un album. Elle campe juste une héroïne paumée un peu pathétique, parfois ridicule, avec de très beaux sous vêtements et qui met son mascara comme on met un pansement sur une plaie béante.
Tu sens la femme qui boit pour oublier, qui ricane pour se protéger, qui regarde le monde en haussant les épaules et en se disant ok, je me mens un peu, et c'est drôle. Tout est fragile, tout est absurde, mais ça te parle. Il y a ce petit vertige qui te fait sourire, parce que tu reconnais cette liberté faussement brillante, ce chaos qu’on habille de paillettes, cette manière de continuer à danser alors que tout s’effondre autour de soi. C'est un portrait grinçant comme j'aime, au final, celui de la jolie blonde qui s'égare dans le reflet déformant du male gaze mais qui garde assez de lucidité pour écrire des punchlines caustiques sur ses décombres.
Peut-être que j'avais besoin d'entendre ça, pour changer un peu. L’aveu qu’on peut être à la fois victime et bourreau, consciente et hypocrite, forte et minable.
Ca n'est pas sage, ça n'est pas net, ça n'est pas clean. Et dans un paysage pop où tout le monde s’applique à être inspirant comme un TED Talk, ça fait du bien de voir quelqu’un assumer son sale bordel. Peut-être pour ça que je voulais la voir autant dans un rôle de country girl. C'est bien connu, ce genre musical est parfait pour les femmes qui veulent juste tuer des hommes.
À la fin, tu te retrouves là, avec le disque éteint, un peu plus lucide, un peu plus triste, mais contente quand même. Parce que c’est rare d’entendre quelqu’un chanter tes propres contradictions, sans essayer de les rendre jolies, ni de te faire pleurer, ni de te vendre un manifeste. Juste… toi, eux, et la fatigue.
Accepter l’incohérence comme une vérité possible. Accepter que la pop puisse être un endroit où l’on ne résout rien, où l’on se complaît juste dans l’ambiguïté.
when did you get hot?
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