the no life of a showgirl
Il y a quelque chose de désolant dans ce disque. Pas la pop en elle-même: Taylor Swift sait encore la ciseler, en faire des refrains qui s’impriment, des mélodies qui s’accrochent. Non, le problème n’est pas là. Ce qui fatigue, c’est ce retour en arrière. Être obligée, encore une fois, de réécouter des textes qui sonnent comme des journaux intimes de lycéennes: petites rancunes maquillées en épopées, vengeances de cour de récré élevées au rang de dramaturgie.
Ce qui déçoit, ce n’est pas tant la légèreté que l’insignifiance. Car il y avait autre chose à dire. On pouvait espérer une parole qui embrasse le vertige de sa célébrité, la violence de ce piédestal où elle vit désormais, la solitude qui ronge quand tout le monde croit savoir qui vous êtes. On pouvait espérer une femme qui regarde en face l’industrie trop gourmande qui l’a façonnée, une femme fatiguée, cabossée, qui accepte de montrer l’épuisement derrière les projecteurs. On aurait su accueillir cela, on aurait su panser ses blessures comme elle a pansé les nôtres à travers ses chansons.
Mais non. Ce qu’elle choisit, c’est autre chose. Dans cet album, Taylor Swift nous renvoie à notre place. Elle ne joue plus à être la girl next door, ni la meilleure amie qui met des mots sur nos chagrins. Elle se tient au-dessus, dans une posture qui n’admet plus la réciprocité. Elle choisit son camp: celui de la star intouchable qui nous observe depuis une Maserati plutôt que de partager le banc d’un bus avec nous.
Et c’est peut-être cela, le plus triste. Ce n’est pas la superficialité des thèmes ni l’obsession des amants glorifiés. C’est cette rupture de contrat implicite: le fil qui reliait son écriture à nos vies ordinaires se brise. Elle montre ce qu’elle est devenue, ce qu'elle est, non plus une voix, mais un produit, décliné en je ne sais combien de versions de vinyles collectors.
Avec Folklore et Evermore, on avait cru en une métamorphose: une Taylor capable de sortir du miroir tendu à l’adolescente éternelle pour raconter autre chose, plus grand, plus ample. Même The Tortured Poets Department portait encore une part de cette humanité blessée. Ici, il n’y a plus rien de tout ça. Il reste un écrin pop, efficace mais creux, et la sensation que l’adulte qu’elle aurait pu devenir s’est dérobée pour redevenir l’héroïne factice d’un teen movie.
Alors oui, la musique fonctionne, mais l’histoire, elle, ne prend plus. Parce qu’au lieu d’avancer, Taylor Swift recule. Et en reculant, elle nous laisse derrière.
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