the day I stopped being nice (and maybe became a bitch)
Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de sortir chercher du pain. Jogging flou, t-shirt des Musclés, cheveux en freestyle post-apocalyptique (je crois qu’un nid de perdrix s’est formé pendant la nuit, ou peut-être pendant ma trentaine, je sais plus trop). Je hausse les épaules. C’est tout ce que j’ai à offrir au monde ce matin, et franchement, ça devrait suffire.
Avant, j’aurais changé. J’aurais tenté effort, mis du mascara, ou au moins passé un doigt dans mes mèches. J’aurais pensé à ce que diraient les gens. Maintenant? Rien à foutre. J’ai arrêté de vouloir plaire. Et parfois, ça me fait flipper. Parce que dans ce grand désenvoûtement, je me demande : est-ce qu’on devient chiante quand on cesse de séduire? Est-ce qu’on devient invisible? Ou est-ce qu’on devient simplement libre?
Je crois qu’il y a eu une lassitude douce, presque imperceptible, comme un bouton qu’on éteint sans s’en rendre compte. Je ne me suis pas réveillée un matin en me proclamant "anti-plaisante". C’est arrivé à force. À force de sourires forcés, de jambes croisées, de réponses mignonnes et d’accords polis. À force de rendre service quand j’avais envie de dormir. À force d’être “cool”, même quand j’étais en feu à l’intérieur.
Un jour, j’ai simplement arrêté. J’ai laissé les silences durer, j’ai dit “non” plus vite, j’ai porté des vêtements moches mais réconfortants, et je me suis surprise à ne plus chercher de validation dans les yeux des autres.
Ça soulage. Un peu. Mais pas complètement.
C’est subtil. Personne ne vous dit en face: “Tu es devenue chiante.” Mais les interactions deviennent un peu plus froides. On vous parle un peu moins fort, on vous oublie dans la boucle, on vous trouve “moins fun”, “moins solaire”, “moins tout”.
Parce que ne plus plaire, c’est retirer la jolie vitrine. C’est dire “voilà l’arrière-boutique, c’est bordélique et j’ai pas prévu de ranger.”
Et tout à coup, vous voyez qui venait vraiment pour vous, et qui venait pour le packaging. Spoiler: ça fait un tri violent.
Mais dans cette disparition partielle, il y a une forme d’apparition. Une version plus dense de soi-même, un peu cabossée mais plus droite dans ses godasses. On gagne du temps, surtout. Moins de déguisements, moins de palabres. On gagne en honnêteté aussi, dans nos relations, dans notre langage, dans notre regard sur les autres.
On dit ce qu’on pense sans faire des petits nœuds avec nos phrases pour que ça passe mieux. On s’habille pour soi, on mange ce qu’on veut, on sort sans s’excuser d’exister. Et parfois, on se trouve même...cool.
Pas séduisante. Pas charmante. Pas agréable. Juste cool. Pour soi.
Peut-être qu’aux yeux du monde, quand une femme cesse d’adoucir sa voix, de faire des efforts, de caresser dans le sens du poil, elle devient “chiante”. Peut-être qu’il y a un prix à payer pour sortir du rôle. Mais ce prix-là me semble moins cher que celui de continuer à s’épuiser pour faire plaisir à tout le monde sauf à soi.
Alors oui, je suis peut-être devenue un peu chiante. Mais je suis aussi devenue plus calme, plus lucide, plus solide. Et si ça me rend moins aimable, tant pis. Je m’aime mieux. Surtout dans mon t-shirt des Musclés.
all the pretty girls get all the pretty boys and I’m stuck with the rest of the world [movie soundtrack]
bic runga & semisonic - good morning baby
Scène de crise existentielle en pleine nuit, seule face au vide: quel morceau tourne en boucle?
juliana hatfield - supermodel
Une séquence de joie pure, de liberté totale: quelle chanson explose dans les enceintes?
veruca salt - seether
Quel morceau incarne ton "thème principal", celui qu’on entend en filigrane dès que tu apparais à l’écran?
st.vincent - cheerleader
Une scène de rupture, ou d’adieu difficile: tu choisis quelle chanson pour briser les cœurs?
sarah mclachlan - full of grace
Pour ton montage façon rise and grind, quand tu te relèves et reprends le contrôle, quel titre?
the goo goo dolls - here is gone
Une chanson qui illustrerait ton passé, une époque révolue mais essentielle dans ton parcours?
heather nova - walk this world
Un morceau qui accompagnerait une scène de rêve ou d’hallucination, entre douceur et étrangeté?
fiona apple - never is a promise
Ta scène de fin: générique qui défile, silence, puis...quelle dernière chanson pour conclure?
r.e.m - perfect circle
Et pour les bonus du DVD: un guilty pleasure musical que tu assumes totalement?
sebastian ingrosso feat. celine dion - a new day
alex ross perry ou l’art de se regarder crever en très bonne compagnie
On pourrait dire qu’il fait du cinéma « indé », mais ça ne veut plus rien dire en 2025, vu qu’un clip Dior peut finir à Sundance et qu’A24 est devenu une marque de totebag. Disons que Perry, lui, continue de creuser du côté des laissés-pour-compte du storytelling: écrivains ratés, amitiés cancéreuses, chanteuses toxiques, et autres épaves qui parlent trop fort pour qu’on puisse les ignorer.
Perry, c’est le gars qui a vu The Royal Tenenbaums et qui s’est dit: "Et si je virais la mignonnerie et que je gardais que le malaise"? Son cinéma, c’est ça: des maisons où on étouffe, des dialogues qui suintent la condescendance passive-agressive, des gens trop brillants pour être heureux, mais pas assez brillants pour s’en sortir.
Mais Queen of Earth, pour moi, c'est autre chose. C'est un film sur l’effondrement qui ne fait pas de bruit. Pas d’explosion. Pas de révélation. Juste une lente décomposition de l’intime, filmée comme une scène de crime domestique. Tu crois que tu vas regarder un petit thriller psychologique arty. Tu te dis: « Ah, des nanas qui pleurent dans une maison au bord d’un lac, ça sent le Bergman sous anxiolytiques. » Et tu n’as pas tort. Sauf qu’ici, les silences ne sont pas sacrés. Ils sont vides. Les regards ne sauvent personne. Ils font juste plus mal que les mots. Elisabeth Moss est géniale, évidemment, parce qu’elle a toujours l’air au bord du gouffre. Je fais toujours un transfert, quand je la regarde. Surtout parce qu'on a des cernes en commun. Et un bord du gouffre.
Perry ne filme pas le chaos, il filme la rupture, celle qui n’intéresse plus personne à part nous, les morts-vivants de la cinéphilie terminale.
J'ai menti dans ma dernière note, bien évidemment que je vais en caser une pour Her Smell, une espèce de portrait décomposé d’une chanteuse rock toxique et géniale, entre Courtney Love et un fantôme de Riot Grrrl qui aurait trop traîné sur Tumblr. C’est bruyant, agressif, instable. Comme une cuite de trois jours qu’on aurait décidé de filmer en 4 actes.
Alex Ross Perry ne sauvera pas le cinéma. Il n’en a ni la prétention, ni le capital. Il est là, planqué entre deux festivals, à faire des films que personne ne va voir, sauf quelques survivants d’un monde où l’on croyait encore qu’un film pouvait être un miroir, et pas une vitrine.
Il filme les losers magnifiques, les arrogants lucides, les femmes au bord du nerf. Il les regarde se débattre, se débattre encore, et puis sombrer. Avec classe.
En vrai, Alex Ross Perry, c’est ce qu’il reste quand on a trop aimé Godard, trop lu Salinger, et qu’on n’a plus de compte Netflix.
A la place, un abonnement Mubi. On peut même y voir Pavements, son docu fiction qui avance en crabe, jamais là où tu l’attends. Perry y joue avec les ruines d’un groupe qu’on n’a jamais su aimer correctement, mélange les formats jusqu’à l’épuisement, et laisse flotter un drôle de vide entre chaque idée. Tout semble fabriqué, désynchronisé, et pourtant quelque chose persiste, comme un souvenir mal rangé.
J'ai donc adoré.
Tout ça pour dire, regardez Alex Ross Perry. Ca vous sauvera pas, mais c'est super en mangeant des cookies juste sortis du four.
did you see the drummer's hair?
Je ne vous cache pas que cette note était aussi une excuse débile pour poster cette photo de Pam et de Tommy.
Je vous ferai quelque chose de plus consistant demain parce que j'ai passé mon week end à regarder des films d'Alex Ross Perry et j'ai très envie de vous parler une fois de plus de mon amour pour lui (mais cette fois-ci ce sera mois orienté Her Smell) (quel film, quel film) (non, vraiment, je vais parler de ses autres films).
En attendant, ne faites pas comme moi, allez dormir. Sinon vous aurez mes cernes et je souhaite ça à personne.
the list
Violent Femmes – Violent Femmes
R.E.M. – Green
PJ Harvey – Dry
Fiona Apple – Tidal
The Raincoats – The Raincoats
Archers of Loaf – Vee Vee
The Clash – The Clash
Madonna – Ray of Light
Butthole Surfers – Butthole Surfers
Melvins – Stoner Witch
Mazzy Star – So Tonight That I Might See
Public Image Ltd – The Flowers of Romance
Swans – The Seer
Rowland S. Howard – Pop Crimes
Hole – Live Through This
Veruca Salt – Resolver
Hüsker Dü – Candy Apple Grey
Sonic Youth – Murray Street
Pixies – Surfer Rosa
Television Personalities – They Could Have Been Bigger Than the Beatles
Neil Young – Harvest
Beck – Don’t Get Bent Out of Shape
David Bowie – The Man Who Sold the World
The Shangri-Las – Leader of the Pack
Black Flag – Damaged
Michel Polnareff – Love Me Please Love Me
The Sundays – Blind
Beck – One Foot in the Grave
Liz Phair – Exile in Guyville
Minor Threat – Minor Threat
Leonard Cohen – Songs of Love and Hate
Townes Van Zandt – No Deeper Blue
The Birthday Party – Door, Door
Afghan Whigs – Gentlemen
Black Sabbath – Paranoid
Paul Westerberg – Suicaine Gratification
Current 93 – All the Pretty Little Horses
Slint – Spiderland
Smashing Pumpkins – Mellon Collie and the Infinite Sadness
Syd Barrett – The Madcap Laughs
Chapterhouse – Whirlpool
Die Kreuzen – Die Kreuzen
Void – Faith/Void Split
Les Thugs – I.A.B.F.
Nina Nastasia – Dogs
The Cardigans – Gran Turismo
Christina Aguilera – Dirrty
Frank Black – Francis
Thurston Moore – Trees Outside the Academy
Grouper – The Man Who Died in His Boat
i don't know why you're mean to me
this is my therapy, don’t judge my bear
Donc si jamais vous avez un ou une millionnaire qui a récemment tout perdu mais qui continue d'avoir le coeur pur, je prends. C'est ça ou un ours qui parle.
will sharpe is not my boyfriend
J'ai également essayé de terminer la nouvelle thérapie de Lena Dunham, Too Much, mais comme son titre l'indique, c'était trop pour moi. Trop de chiant, trop de fantaisie. Y’avait comme une odeur dans cette série. Pas celle du vécu, pas celle du foutre et des larmes, non. Une odeur de propre, de linge assoupli, de simili-bonheur calibré, avec en prime le mec parfait. Le saint homme. Le moine tantrique (d'ailleurs c’est pas un mec, c’est une extension du canapé). C'est un truc que je comprends vraiment de moins en moins, en vieillissant (et ça vient de quelqu'un qui a lu tout Jane Austen): c'est quoi cette obsession pour l’hétéronormativité bien élevée? Ce mythe rassis du « je vais me sauver moi-même mais avec un homme sain dans un appart lumineux »? À croire qu’on peut pas juste être tarée en paix, sans avoir un mec à câliner comme un doudou régulateur de cortisol. Dunham, qui nous avait quand même vendu des héroïnes paumées, égoïstes, brillantes et trash dans Girls, revient avec une meuf qui mérite l’amour parce qu’elle a fait du travail sur elle. Pas parce qu’elle est intelligente, drôle, ou qu’elle suce bien. Non. Parce qu’elle va mieux. Je crois que j'en ai marre de voir ces mecs gentils qui te sauvent du désordre que t’es en train de transformer en force.
j'ai toujours rêvé d'être carrie bradshaw
C’est devenu ça, notre seuil de tolérance: une femme peut baiser, gueuler, gagner sa thune, ne pas vouloir d’enfants, tant qu’elle choisit un mec qui la stabilise. Qui la valorise. Qui lui rend ce qu’elle vaut sur le marché de la vie adulte. Tu peux être libre, indépendante, brillante. Mais si tu tombes amoureuse d’un mec sans carrière, sans Rolex, sans plan retraite? Tu passes pour une conne.
Et faut voir le mépris. Chez nous, même les plus déconstruites. Surtout là. Parce que ouais, ça fait désordre. Ça fout en l’air le vernis. Le féminisme, tant qu’il reste bien empaqueté avec un mec safe, cadre sup, qui paie l’addition, ça passe. Mais dès que tu sors du cadre, dès que tu choisis un mec qui n’a rien à offrir sauf lui-même, on te regarde comme si t’avais trahi la cause.
Mais la vraie trahison, c’est ça: continuer à croire qu’un mec doit offrir. Qu’il doit porter. Que si toi, t’as réussi à t’en sortir, t’as pas le droit d’aimer quelqu’un qui n’en est pas encore là. Parce qu’alors, forcément, t’es tombée amoureuse pour les mauvaises raisons. Ou pire: t’es une femme qui donne. Et ça, on pardonne pas.
On s’est tellement battues pour pas être dépendantes, qu’on a oublié qu’on avait aussi le droit d’être celles qui soutiennent. Celles qui tendent la main. Celles qui disent : "T’es pas à la hauteur aujourd’hui? Je reste quand même." Mais ça, c’est trop risqué. Trop bancal. Trop peu rentable.
Parce que ce que ce mec sans thune renvoie, c’est pas juste l’insécurité. C’est notre propre matérialisme. Ce coin de nous qui s’est arrangé avec la galère en choisissant la sécurité. Ce moment où on s’est dit: "Il est pas ouf, mais il a un CDI." Ce moment où aimer, c’est devenu stratégique. Un confort. Un calcul.
Alors évidemment, on se fout des mecs qui restent avec une meuf pour les papiers ou le logement. Mais on ferme bien notre gueule sur nous, quand on reste pour l’assurance-vie. L’amour est devenu un produit. Et on l’achète comme on peut. Si possible avec un mec bien décoré, un qui donne envie sur Instagram.
Et les mecs, là-dedans? Ils font pas mieux. Ils supportent pas qu’on les aide. Qu’on paie. Qu’on les relève. Parce qu’on leur a vendu que la virilité, c’est faire bouillir la marmite, pas chialer dans les bras de sa meuf un soir de doute. Donc ils s’accrochent à leur bagnole pourrie comme si c’était leur dernière couille. Parce qu’ils ont peur que la tendresse leur coupe les jambes.
Et qu’on soit claires : c’est pas pour glorifier le mec broke par principe. Y’en a, des hommes-sangsue. Des mecs qui savent rien faire à part se plaindre, s’installer, te bouffer ton énergie et ton frigo. Des mecs qui se prennent pour des artistes maudits mais qui pondent pas une ligne, qui veulent "être soutenus" mais jamais remettre un lave-vaisselle. Y’a de la feignasse et de l’abus aussi chez les pauvres, c’est pas ça le sujet.
Mais ce qu’on oublie vite, c’est que la charge mentale, on se la paiera autant avec le blindé. Le mec en costume à 6K par mois, il va pas plus penser à la bouffe du chien ou au rendez-vous chez le pédiatre. Il va pas plus deviner que t’es à bout. Sauf que lui, on lui pardonne. Parce qu’il paie le loyer. Parce qu’il "assure". Alors on fait abstraction. On serre les dents. On encaisse. On se raconte qu’on a de la chance. Mais ce qu’on veut éviter de voir, c’est que l’argent n’a jamais fait le respect. Que ce n’est pas le montant du compte en banque qui te fera sentir qu’on est deux. C’est ce que l’autre fout à côté de toi quand t’es dans le creux. Ce qu’il prend sur lui. Ce qu’il t’épargne. Ce qu’il voit sans que t’aies à le dire.
Mais c’est ça, un couple, non? Être là quand ça déraille. Quand ça pue. Quand y’a pas de solution. Être deux à tenir sous la flotte. Pas une mise en scène. Pas un plan de carrière. Une alliance de failles. Pas une fusion de CV.
Et c’est peut-être ça que ce film raconte, au fond. Pas une histoire d’amour. Une histoire de lâcher-prise. Une histoire de ce qu’on perd quand on aime sans garantie. De ce qu’on renonce à calculer. De ce qu’on accepte de ne pas rentabiliser.
Et si ça nous fout aussi mal, c’est peut-être parce qu’on sent que ça nous vise. Que cette nana, qui dit merde à la sécurité, elle vient nous dire ce qu’on n’a pas voulu voir en nous. Qu’on a parfois aimé par confort. Par fatigue. Par stratégie. Et que ça aussi, c’est une trahison.
Alors ouais, on peut se foutre d’elle. Dire qu’elle est folle. Qu’elle s’est faite avoir. Mais la vérité? On est tous et toutes le mec fauché de quelqu’un, à un moment donné.
blackpink in your area
Y’a des jours où le seul plan de survie, c’est de se lever en sachant qu’on va passer la journée dans le noir à bouffer du film. Pas du "film d’auteur" chiant, pas du Marvel décérébré non plus, juste du film qui fait du bien, ou qui fout un peu le bordel dans la tête, ou même les deux si on a du bol.
Aujourd’hui c’est Materialists et L’Accident de piano. Deux salles, deux ambiances. Pedro Pascal et Adèle Exarchopoulos au menu. Autant te dire que j’ai réservé sans réfléchir. Deux visages que j’aime regarder. Deux présences qui peuvent sauver n’importe quel script un peu bancal.
La presse te vend ça comme une "rom com intelligente". Traduction: une rom com où les personnages ont un métier, des neurones, et font autre chose que se courir après en trébuchant dans les escaliers. Celine Song, après Past Lives, revient pour disséquer l’amour version capitaliste: tu choisis ton mec comme tu choisis un plan d’épargne. Sécurité ou passion? Compromis ou solitude? Tu dates un mec ou un banquier? Et ça me parle. Parce que je suis lucide. Parce que je sais que l’amour, c’est rarement du cinéma, et que parfois, un mec riche, c’est plus rassurant qu’un mec doux qui sait jouer du ukulélé. Mais bon. J’ai aussi une vraie tendresse pour les rom coms qu’on appelle "à la con". Peut-être parce que moi aussi, j’ai déjà rêvé comme une débile d’un gars qui court sous la pluie en me suppliant de revenir.
J’ai lu quelque part que ce Dupieux-là serait peut-être celui de trop. Sérieusement? Qui décide ça? Qui a envie de moins de Dupieux dans sa vie? Pas moi. Moi je signe pour une saison entière de Dupieux si tu veux. Parce que son cinéma, c’est le seul qui ne cherche pas à m’expliquer le monde. Il le fout sur la table, à moitié dégueu, avec des dialogues qui tombent à plat exprès, et des acteurs qui jouent comme s’ils s’étaient échappés d’un rêve bizarre.
Donc voilà, visualisez-moi, coca tiède dans une main, hot dog flasque dans l’autre, prête à me faire retourner le cerveau ou à bailler poliment. Mais quoi qu’il arrive, je préfère toujours un mauvais film à une bonne journée. Parce que le cinéma, même quand il me déçoit, me donne l’impression que je suis ailleurs. Dans une autre vie. Dans un autre bordel.
Sinon, dans un autre registre, j'adore le nouveau titre de Blackpink, Jump. Mon moi de 10 ans vit sa meilleure rave.
dancing with myself
Je vais être cash: la drague me fait chier.
Non mais vraiment. J’en peux plus.
Pas que je me fasse draguer tous les quatre matins, mais quand je suis dans le principe (comme ce fut le cas hier) (mais pourquoi je m'inflige ça, sérieux, POURQUOI J'ACCEPTE), bah ça me fait chier. Voilà.
Faut arrêter de faire semblant que ce petit jeu à la con est charmant. C'est pas charmant. C’est relou, c'est creux, et c'est codifié comme une messe noire de scouts bourrés au Spritz.
J’ai pas signé pour jouer la meuf mignonne qui "sait pas qu’elle plaît", qui fait mine de pas comprendre quand on la mate, qui envoie des signaux flous parce que sinon "c’est trop frontal, et tu vas lui faire peur". Franchement? Si le gars flippe quand une femme lui parle clairement, il peut retourner sucer sa tétine et me laisser tranquille.
Je crois que je suis fatiguée. Fatiguée du rituel. Du théâtre. De la mise en scène ridicule que devient toute interaction vaguement teintée de séduction. Le sourire stratégique. Le regard en coin.
Les petits silences pour paraître mystérieuse (alors qu’en vrai je pense juste à ce que je vais manger ce soir).
Cette idée qu’il faudrait "savoir se vendre". J’ai pas fait Sciences Po drague. J’ai pas de pitch. J’ai pas d’emballage. J’ai pas envie de faire de la promo pour mon cul ou mon cerveau, ni de pondre un slogan genre "sulfureuse mais pas salope, naturelle mais épilée, chill mais pas négligée".
J’ai envie de dire à un type: T’as deux yeux, une bouche et un peu de jugeote? Très bien, utilise-les.
Et cette métaphore du poisson qu’on agite dans tous les sens? Mais QUI a décidé que c’était normal de se trémousser dans une fausse mer pleine d’algues Tinder et autres Hinge et d’applis baveuses pour espérer qu’un mec, quelque part, clique sur toi comme sur un produit Deliveroo? Je suis pas sur ces applis, je drague vintage, comme nos grands-parents. Mais en vrai, ça change pas vraiment le fond du débat. Sauf qu'au lieu d'avoir des smileys à la con, tu te payes en direct le regard faussement séducteur.
Je suis pas un sushi. T’es pas un phoque. On est pas dans un aquarium géant. La Terre est en feu, on va tous crever. Fais un truc, putain.
Et quand je dis un truc, pas une rosace à la con au fond de l'océan, Kevin. Apprends à vivre l'instant.
Je veux plus de jeu. Je veux plus de parade. Si tu veux me parler, viens. Si tu veux me baiser, sois clair. Si tu veux me connaître, reste. Mais viens pas me faire perdre mon temps avec des petits textos codés, des likes passifs-agressifs ou des "on se capte cette semaine ?" qui veulent rien dire.
Qu'on remette au centre du débat des vraies rencontres. Pas des ballets nautiques de grenouilles à crises existentielles.
Alors voilà: je suis officiellement en grève de la drague. À compter de ce jour, je ne séduirai plus personne. Je me contenterai d’être là, de venir comme je suis. Comme une pub Mcdo. Et si ça dérange? Tant mieux. J'ai pas que ça à foutre.
Je suis pas là pour plaire.
Juste: "Salut. Tu veux qu’on parle?" Même si c'est bancal, même si on voit que ça saigne encore un peu sous les pansements. C'est la vie, chantaient les B*Witched. Là, peut-être, on aura un vrai truc.
ça sent le bain, donc ça pue

Parce que je suis ENCORE tombée sur une vidéo qui démolit Sydney Sweeney. La raison?
Sydney Sweeney vend un savon qui sent l’eau de son bain.
(J'ai tellement roulé des yeux j'ai vu mon cervelet).
Le plus ironique dans tout ça, c’est que ce ne sont pas les hommes les plus virulents. Ce sont les femmes. Celles qui se revendiquent lucides, éveillées, conscientes, critiques. Je ne remets pas ça en cause. Mais la sévérité des jugements laisse un drôle de goût, comme si l’on ne supportait pas qu’une femme puisse plaire et s’en sortir avec. Comme si, au fond, la réussite d’une fille comme Sydney n’était acceptable que si elle venait avec un look un peu plus austère, une posture plus militante, un corps moins offert.
Pourtant, Sweeney n’a jamais prétendu être une théoricienne de genre. Elle bosse. Beaucoup. Elle l’a dit dans une interview: elle ne peut pas se permettre de ne pas travailler. Elle ne vient pas d’un clan hollywoodien, elle n’a pas de rente ni de maison de famille à Malibu. Elle tourne, elle produit, elle enchaîne les projets parce qu’elle n’a pas le choix. Ce qui passe, elle le prend. Y compris les campagnes marketing discutables, les rôles ambigus, les opérations commerciales qui font froncer les sourcils des militantes en ligne.
Et c’est là où le débat devient gênant. Parce qu’on feint d’oublier qu’Hollywood est encore entièrement structuré autour du regard masculin. Les opportunités qu’on offre aux actrices passent, majoritairement, par leur capacité à incarner ce que les producteurs croient que les spectateurs désirent. C’est nul, oui. Mais c’est réel. Et les femmes qui arrivent à s’en sortir naviguent dans cette logique-là, sans toujours avoir le luxe de la refuser.
Je comprends qu’on parle de beauty privilege. Vraiment. La beauté féminine, dans cette société, ça ouvre des portes. C’est indéniable. Mais on ne dit pas assez que ces portes ne donnent pas toujours sur des jardins luxuriants. Parfois, c’est un sas à pression. Tu gagnes un accès, oui, mais à quoi? À plus de surveillance. À des attentes contradictoires. À l’obligation de rester désirable mais accessible, magnétique mais pas arrogante, sexy mais “naturellement”. C’est une pièce sans lumière avec des miroirs déformants aux murs, où on te dit que tu as de la chance d’être là, pendant qu’on te démonte en silence. C’est ça, le deal implicite: si tu es belle, on te regarde. Et une fois qu’on te regarde, il ne faut surtout pas que tu te trompes. Parce que l’herbe qui semblait plus verte de loin est en réalité tondue au millimètre.
Ce que Sydney Sweeney fait de son image, c’est moins une glorification de la domination masculine qu’une tentative de rentabiliser l’espace minuscule qu’on lui laisse. Et parfois, oui, ça se traduit par une pub où elle sent bon la mousse. Est-ce que c’est révolutionnaire? Non. Est-ce que c’est condamnable? Franchement, non plus.
Je pense qu’il y a, derrière cette haine un peu moite, quelque chose de l’ordre de l’insécurité collective. Un inconfort qu’on ressent face à une femme jeune, jolie, douée, et qui a l’air de ne pas s’excuser d’exister. On peut toujours dire que c’est parce qu’elle flatte le patriarcat. Mais parfois, la critique féministe devient le masque élégant d’une jalousie moins noble. Je ne dis pas ça pour jeter la pierre: cette insécurité-là, on l’a presque toutes. On la digère mal, et on la retourne souvent contre celles qui, d’une manière ou d’une autre, incarnent ce que la société continue de valoriser.
Je pense qu'il va falloir, à un moment, ne plus oublier que le corps de Sydney, elle le porte, elle l’expose, elle le mouille, elle le brûle, elle le travaille jusqu’à l’os dans des rôles ultra durs.
Moi, je répare pas des bagnoles. Je tire au pistolet, je lance des haches et des couteaux. Je suis capable de faire peur à un homme si je vise juste. Et pourtant, je n’ai jamais vu qui que ce soit me sexualiser pour ça. Ca n'a rien d'érotique. Ca n'a rien de désirable. Ca ne fera pas vendre un calendrier (sauf si vous avez le kink qu'on vous coupe la carotide). C’est trop concret, trop réel, trop hors script. Sydney, elle, maîtrise les codes. Elle les manipule, peut-être pas toujours consciemment, mais assez pour survivre. Et il se pourrait bien que cette lucidité-là dérange plus que ses photos en short taille basse.
Le problème n’est pas elle. C’est le cadre. Et le cadre, on ne le fissure pas en jetant les filles à la télé dans l’arène. On le fissure quand on arrête de croire qu’une femme doit forcément symboliser quelque chose pour avoir le droit d’exister publiquement.
stephen king is my boyfriend
Semaine plutôt bonne dans l’ensemble, ce qui est presque suspect. J’ai attendu la mauvaise nouvelle comme on attend un colis chronopost: fébrilement, et avec la certitude que ça finira par arriver. Elle est venue sous la forme d’un épisode caniculaire (mais maintenant, est-ce qu’on peut vraiment appeler ça un “épisode”? C’est juste la nouvelle saison de Black Mirror. L’été comme un four ouvert, la sueur comme second parfum. On n’est plus dans un film catastrophe, juste dans la suite logique. On va crever lentement, en transpirant. Voilà.
Heureusement, j’ai été au cinéma. Life of Chuck, adaptation d’une nouvelle de Stephen King, et contre toute attente: c’était doux. Très doux, même. Je ne sais pas ce que j’attendais exactement (la mort? un clown qui sort d’un évier?) mais pas cette mélancolie-là. Ce film m’a fait l’effet d’une couverture légère un soir d’orage. Pas assez pour se protéger, mais juste assez pour s’émouvoir.
Et, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a donné envie de relire du Stephen King. Peut-être parce que c’est un auteur qui me suivait toujours en juillet. Le genre de souvenir étrange qui remonte comme une chanson entendue en supermarché. Il y a quelque chose de très “été” dans ses romans. Les vélos, les routes américaines trop larges, les nuits moites, les gamins qui ne dorment pas, les chiens qui grognent dans l’ombre. Des histoires qui sentent le plastique fondu et la citronnade éventée.
Je crois que j’aimais ça, justement: ce mélange d’angoisse sourde et de normalité en short. Peut-être que c’est ça, lire du King en 2025: une forme de préparation mentale. Une acclimatation douce à la fin des temps. En tout cas, ça me rassure plus qu’un plan canicule gouvernemental.