Je ne peux pas m'empêcher d'être une éternelle adolescente. Osciller entre Nevermind de Nirvana et Lover de Taylor Swift, dans un putain de chaos magnifique. Je ne sais pas être autrement. Je ne sais pas faire autrement. Je pourrais larguer de grandes phrases, du genre "je refuse de grandir parce que je ne veux pas mourir" et quelque part, c'est quand même un peu ce que je ressens. Je ne veux pas dire adieu à la sale gosse que j'ai été parce que sans elle, je sais que je ne suis rien. C'est même pas tellement une histoire d'âme rebelle. Je ne veux pas perdre cette colère permanante qui me sépare de ces putains d'adultes avec qui je gravite au quotidien. Ces adultes qui sont aussi tièdes qu'une bière oubliée sur un coin de table. Je veux que ça continue de se frayer un chemin dans mes veines, que ça tape à l'unisson avec mes tripes.
J'aime ce sentiment qui allie invicibilité et vulnérabilité. J'aime que ça tangue, que ça s'arrache dans un million de confettis, que je me sente au-dessus de tout et en même temps une loseuse radieuse. Aller au travail avec Sonic Youth dans les oreilles, une ceinture à clous qui maintient difficilement mon jean trop grand ou encore passer des nuits blanches à bouffer de la glace en chialant devant Pride and Prejudice. C'est pas non plus la sensation d'appartenance qui m'anime (parce que j'ai toujours aimé être un side project) mais cette impression d'être en constante création de moi-même, et du monde qui m'entoure. Etre une éternelle adolescente, si vous voulez, c'est un peu mon superpouvoir: garder la flamme de la rage et la naiveté des beaux jours quand la vie essaie désespérément de me broyer.
C'est aussi un peu le poids que je dois subir. Celui de croire que c'est encore possible. De croire en l'impossible. M'enfermer dans une boîte où les rêves crèvent et où l'ennui règne en maitre? Je sais que j'ai la gueule facilement impassible mais je n'en pense pas moins. Je suis une éternelle adolescente parce que j'ai encore des choses à dire et que je n'ai absolument pas l'intention de fermer ma gueule. Des vérités à cracher dans la face du conformisme, des rêves à brandir comme des débiles d'étendards dans un monde qui s'efforce de nous écraser sous le poids de sa normalité aseptisée. Ouais, je suis une éternelle adolescente, et je vais hurler ma vérité jusqu'à ce que ce monde de merde m'entende.
Parfois, je me dis que j'ai du mal à me fixer parce qu'au fond, je sais que ce sera toujours l'imprévu qui primera, même en pyjama, au fond du sceau, un dimanche matin à 17h30. Vivre au jour le jour, en suivant ses caprices et sans se soucier des attentes des autres. Quand j'étais môme, je m'imaginais adulte responsable, avec une jolie maison et un jardin. Aujourd'hui, je ne suis pas conne, je sais que suis sensée être une adulte responsable, sauf que j'ai mis la barre au ras du sol: je me contente déjà de manger sainement en vous disant d'aller vous faire foutre, un bout de mâche entre les dents.
Mais être une éternelle adolescente, c'est aussi accepter qu'être fainéante, ça n'a pas de prix. Etre une éternelle adolescente, c'est refuser le chemin fléché. Celui déterminé par une vie soigneusement orchestrée pour nous faire croire que c'est un peu tout ce qu'on a toujours voulu. Je le dis, je n'ai jamais cherché ça: je voulais juste qu'on me laisse regarder mes dessins animés tranquille sans qu'on vienne me faire chier. Zoner des heures à regarder le plafond, dissocier sur les chiottes, rouler des yeux face à une carrière ne fera que me bouffer jusqu'à la moelle. Je ne sais même plus si ça en vaut la peine, d'être une adulte responsable, quand je regarde ce que ça implique: s'atomiser la gueule jusqu'à sa mort, pour mieux tirer un trait sur ce qu'on a été.
Je ne veux rien oublier, même le pire.
Je ne veux rien oublier car il n'y a que moi qui compte, au final. Je suis une égoiste uniquement centrée sur moi-même, quand je ne m'insurge pas sur ce qui m'accable. La différence, c'est que nous, les connards dans notre genre, on l'assume. On l'assume parce qu'on sait que c'est la clef: se concentrer sur nous-mêmes, c'est prendre le temps de nous connaitre, c'est prendre le temps de nous aimer (même si on continue quand même de se détester à petite dose, faut justifier le noir sur les ongles) et potentiellement, pas trop dégueuler sur les autres. Etre une éternelle adolescente, c'est garder ce qu'il y a de mieux dans la maturité.
Parce que les erreurs, elles sont là pour ça. Grandir, c'est croire qu'elles sont d'une gravité sans nom alors que c'est elles qui nous amènent là où nous sommes. Se ramasser la gueule, se relever. Continuer à apprendre, encore et encore, jusqu'à ce que la cervelle explose dans un torrent d'espoir et de possibilités. Même pas en rêve je lâche ça en cours de route. J'ai pas envie de me contenter de peu. Je veux tout. Absolument tout. Et c'est pas une histoire de se brûler les ailes. C'est accepter que la vie est un voyage, fait de rencontres, et où rien ne dure éternellement. C'est écrire sans cesse de nouveaux chapitres, avec un début et une fin.
Etre une éternelle adolescente, paradoxalement, c'est comprendre mieux que quiconque que tout a une date d'expiration et que ça n'a rien de grave: quand une porte se ferme, une autre s'ouvre. Ou plus exactement, quand une porte se ferme, une autre est prête à se faire défoncer.